Entrée maternelle

En octobre, on ne parle que de ça, de la fameuse entrée en Yochien (prononcer yotchiène), la maternelle. On passe des tas de coups de téléphone pour se renseigner, pour s'inscrire à la prochaine visite des lieux, participer à la journée de présentation, on va retirer des dossiers, attention le bon jour à la bonne heure sinon c'est trop tard. Le stress monte chez les parents japonais qui souhaitent envoyer leur enfant dans une maternelle privée pour laquelle la sélection est rude. Il y en aura forcément qui seront refusés et là c'est le drame pour les "kyoiku mama", les "mamans fanas d'éducation", celles qui poussent leur progéniture dès la petite enfance et qui feront tout pour obtenir une place dans la bonne maternelle qui ouvrira les portes de la bonne école primaire puis du bon collège etc jusqu'au cursus universitaire des grandes universités tant convoitées. Il y a quelques années, une maman dont la petite avait râté l'admission dans LA maternelle réputée de son quartier avait étranglé la petite voisine qui, elle, avait été acceptée. Pour la triste histoire, j'ai appris il y a peu que la maternelle en question se situe dans les jardins du temple de Gokokuji, juste à côté de chez nous. Ce drame est évidemment un cas isolé mais a secoué toutes les familles.

Pour l'entretien final, le look compte énormément. Tous les parents sur leur 31 et tous de la même couleur : bleu marine de rigueur, seule la coupe du tailleur change, la marque (grands couturiers ou VPC), voici ce que proposait mon cataloque la redoute local pour la saison 2007 (je pense qu'il ne doit pas y avoir beaucoup de différence avec les années passées !)

En déposant son dossier d'inscription, on obtient une convocation pour l'entretien final. Il faut se présenter à l'heure, obtenir son ordre de passage, passer du temps dans une pièce avec son enfant sous le regard de quelques observateurs, personnel de la maternelle chargé de vous observer et de prendre des notes, puis patienter jusqu'à l'entretien avec la direction, expliquer ses motivations, répondre aux questions sur le caractère de l'enfant. Si vous êtes vous même en tant que parent passé par la Yochien que vous convoitez, alors c'est encore mieux ! Sur le questionnaire : de quelle yochien êtes vous diplômé ? si, si ...

Si vous ne rentrez pas dans le moule, vous pouvez toujours participer au tirage au sort pour obtenir une place en yochien publique ou choisir une yochien semi-privée qui a d'autres critères de sélection comme celle que nous avons choisie pour Gabriel. D'inspiration Steiner, la maternelle Midori est basée sur la motivation des parents à participer à la vie de l'école et à la cohérence que nous donnons entre l'éducation à la maison et le style d'éducation de cette maternelle. Les petits commencent comme Gabriel par deux matinées par semaine dans la garderie du même établissement, puis après entretien, font leur entrée en maternelle au mois d'avril (rentrée scolaire et universitaire dans tout le Japon). A partir de ce moment, les enfants sont accueillis tous les matins. L'arrivée se fait entre 8 et 9 h 30 ce qui donne de la souplesse et respecte le ryhtme de chacun, la matinée se termine à 11 h 30 jusqu'aux vacances d'été pour s'allonger ensuite. Les parents qui travaillent peuvent demander du temps de garde en plus.

Les enfants et les parents sont accueillis par la Directrice, tous les matins, et ont tous le droit à un "ohayogozaimasu", franc et jovial, extraordinaire bonjour pour bien commencer la journée. Ils se déchaussent et mettent leurs chaussons d'intérieur, vont poser leur boite à bento (repas) pour ceux qui restent pour le déjeuner et vont ... faire ce qu'ils veulent ! Il y a ceux qui vont tout de suite dehors, faire de la balançoire, du toboggan, donner à manger aux lapins, il y a ceux qui veulent se déguiser, faire de la musique ... le tout sous la surveillance bien-sûr bienveillante des professeurs, en attendant les activités programmées plus tard quand tout le monde est là. Les enfants sont beaucoup en mouvement dans leur classe et les âges se mélangent, ont le droit de prendre des initiatives, font beaucoup de travaux manuels. Le repas est pris dans les classes sur des petites tables et chaises, les professeurs assis au milieu des enfants. Quelle gaieté, quelle joie de vivre !

La bonne nouvelle, c'est que Gabriel a été accepté, c'est sûr j'ai reçu la lettre officielle par courrier rapide. J'ai fait l'entretien en tenue décontractée bien-sûr, j'ai parlé de mon envie de faire partie de cette école, de l'accueil que j'avais eu jusqu'à présent par les personnes de la garderie et nous avons été acceptés. J'ai eu un coup de stress avec mon numéro 301 au milieu de tous ces parents très soignés dans leurs costumes et tailleurs sombres qu'ils rentabilisent en postulant dans différents établissements. Je n'avais choisi qu'un endroit pour Gabriel et nous sommes heureux de pouvoir faire notre entrée dans la communauté japonaise par l'intermédiaire de ce lieu.

Masuda-san (on rajoute san en japonais après les noms de personnes) : la maman de la petite Kao qui est en garderie avec Gabriel, qui a fait un effort de tenue pour le grand jour mais a "osé" une tenue pas très "réglementaire". Le jour de l'entretien, j'y ai vu beaucoup de bleu marine mais d'autres, connaissant la philosophie du lieu, y sont venus très décontractés et sans ostentation et ont une place pour avril sans souci.